J3 : Mémoire et avenir du Fespaco en question

Cette édition du cinquantenaire est l’occasion de revenir sur la genèse du festival et sur ceux qui l’ont initié à la fin des années 60. La journée commence par la première partie du Colloque du cinquantenaire du Fespaco consacrée aux premiers témoins. À la table, des pionniers du Fespaco ou du cinéma africain tout court comme Timithé Bassory, Alimata Salembéré, Sébastien Kamba, Imruh Bakari ou encore Mohammed Challouf racontent les circonstances dans lesquelles la Semaine du Cinéma Africain a vu le jour en 1969 avant de devenir en 1972, le Festival Panafricain du Cinema et de la Télévision de Ouagadougou (FESPACO). Beaucoup d’informations très précieuses sont partagées par ces témoins privilégiés, notamment les collaborations et les soutiens de certains pays ou certaines cinéastes du continent pour que le Fespaco puisse exister. Des cinéastes conscients qu’il était urgent de redonner au public un accès privilégié à des films faits par des cinéastes africains et qui replaçaient leurs histoires et leurs points de vue au centre. Aujourd’hui Mohamed Challouf le réalisateur tunisien de OUAGA, CAPITALE DU CINEMA (2000), tout en saluant l’initiative de la Film Foundation de Scorsese de restaurer de grands classiques du cinéma africain, martèle l’importance de la constitution d’archives propres. « Il est important d’avoir des archives gérées par nos pays respectifs et qui ont de l’importance pour nous avant tout. »

Imruh Bakari, un des cinéastes assis à cette table profite du micro qui lui est tendu pour faire un bref rappel avant de poursuivre. Bakari est un cinéaste originaire de St Kitts, qui a vécu et travaillé en Grande-Bretagne ainsi que dans plusieurs pays africains. Il a été notamment directeur artistique du Festival International du Film de Zanzibar en Tanzanie entre 1999 et 2004. Pour lui, il est important de se rappeler que le panafricanisme est indissociable de la Diaspora. Aujourd’hui poursuit-il, on a tendance à vouloir réduire ce terme au seul continent et c’est une erreur. De nombreuses voix s’élèvent depuis longtemps pour réclamer que les sélections officielles des longs métrages du festival s’ouvrent à la Diaspora. Ce n’est toujours pas le cas et même si une place a été faite à ces films, ils sont toujours projetés hors compétition dans la section Panorama. Seuls les courts métrages qui viennent d’ailleurs peuvent être en sélection officielle.


Dans la salle, il y a quand même des petites tentatives dans le public pour tirer la couverture à soi d’une façon ou d’une autre, mais elles sont systématiquement contestées pour qu’un esprit de conciliation préserve la sérénité des échanges. Un exploitant de salle sénégalais met en garde contre la prolifération des salles Canal Olympia, des multiplexes que le groupe Bolloré et sa société Canal+ installent un peu partout sur le continent et qui sortent de terre plus vite que les McDo dans le sol fertile de la Martinique. Il se demande si les gouvernements qui autorisent la construction de ces salles se battent vraiment pour que le cinéma africain n’aie pas qu’une place anecdotique au sein de leur programmation. Claire Diao, qui modère cette première partie du colloque mentionne fort à propos que l’un des défis du festival vis-à-vis  de la jeune génération et de la diaspora est d’être à la hauteur de sa renommée. Lorsqu’une réalisatrice en compétition officielle à qui on envoie la confirmation très tardive de son vol, se rend à l’aéroport la veille de son départ, passe la nuit à l’hôtel pour être à l’aéroport à 4h du matin pour qu’on lui dise une fois au comptoir de la compagnie que la réservation faite à son nom n’a pas encore été payée par les organisateurs du festival, la déception est à la hauteur des attentes suscitées par le festival. D’ailleurs, toujours aucune trace du catalogue du festival avec les synopsis des films. Nous voyons les films un peu à l’aveugle ou devons chercher des infos sur le net quand elles existent.

À peine remis des émotions de la journée, nous nous retrouvons un peu après 23h devant un court métrage algérien en arabe et sans sous-titres qui aura raison de la fatigue ou de la patience des plus aguerris. Quelqu’un avait-il vérifié la présence des sous-titres ? Etait-ce une projection réservée aux arabophones du festival ? La copie du film a-t-elle été sabotée par un réalisateur qui n’a pas été sélectionné au festival ? Nous nous demandons encore. Trois personnes ont quitté la salle. Les autres sont restés. Parmi eux, certains ont dormi. 

W. F.