Nous voilà rendus à nos quotidiens respectifs, pas encore tout à fait revenus de ce séjour au Burkina Faso en plein Fespaco 2019. Nous avons passés une dizaine de jours intenses qui nous ont confortés dans notre travail au sein du collectif Cinemawon mais également dans notre travail quotidien de réalisateurs-apprenti-cinéastes ou de producteurs. Bien entendu, tout n’était pas rose et derrière l’attrait de ce festival emblématique, beaucoup de petits et gros couacs que d’aucuns jugent indignes, à juste titre sans doute, d’un festival qui célébrait son cinquantenaire cette année. Nous avons été relativement peu touchés par tout cela pendant notre séjour, sans doute parce que nous ne dépendions pas du comité du festival mais nous avons entendu plusieurs témoignages remplis de déception et d’amertume à l’instar de l’article de la cinéaste tunisienne Nadia El Fani, présidente du jury pour la sélection des documentaires cette année .
Ce qui nous a interpellés et qui pose véritablement question est que le festival soit dirigé par le pouvoir politique en place. Car la tentation est bien grande pour qu’il ne devienne qu’un vulgaire instrument de communication au service de l’exécutif, soumis aux impératifs géopolitiques du moment et dont le grand absent finirait par être le Cinéma lui-même. Cependant une jeune génération de cinéastes burkinabè que nous avons rencontrés, est profondément révoltée par tout cela et ils se demandent pour commencer pourquoi est-ce qu’une importante délégation du FESPACO a encore besoin de se déplacer à Bruxelles et à Paris pour organiser des conférences de presse en amont du festival, tous frais payés par l’Etat burkinabè. Et quand bien même cet argent serait payé par des bailleurs de fonds européens, le problème resterait sans doute entier. Mais sans vouloir excuser qui que ce soit, le pays se remet à peine du long règne faussement démocratique de Blaise Compaoré et de plusieurs attentats récents revendiqués par des groupes djihadistes. Même la statue de Thomas Sankara inaugurée le 2 mars à Ouagadougou ne ressemble pas à Thomas Sankara alors on peut se dire que ça prendra encore un peu de temps avant que les choses même les plus basiques se normalisent enfin.
Être à Ouagadougou pour le 50e anniversaire du Fespaco n’était pas un caprice ou une lubie. C’était la suite logique du travail que nous avons commencé à Cinemawon depuis 3 ans déjà. Et nous n’avons rien inventé : Ce voyage s’inscrit dans une longue tradition d’échanges entre le continent africain et la Caraïbe, que ce soit lié au cinéma ou à d’autres secteurs de l’activité humaine (et ce n’est pas d’esclavage qu’il est question ici). Pour nous, c’est symboliquement une façon de dire que la Diaspora n’est pas un mot qu’on agite lors de discours officiels pour faire joli. La Diaspora c’est d’abord un processus de longue haleine. C’est une maison qu’on construit difficilement et qui s’écroule si on ne s’en occupe pas. Nous décidons de prendre notre part sur ce terrain-là avec d’autres, convaincus que nous ne nous connaissons pas suffisamment, au sein de cette Diaspora. Ce qui nous intéresse c’est de renforcer autour du Cinéma d’autres types de rapports avec le continent. Des rapports directs sans aucun complexe et débarrassés des fantasmes que nous nourrissons les uns vis-à-vis des autres. Ce sont pour nous les fondations de la maison.
W. F.