À part les quelques visages connus qui étaient assis en 1ère Classe et ailleurs dans notre avion, il n’y a pas encore de réelle agitation à l’aéroport de Ouagadougou lorsqu’on en sort vers 22h. La ville est calme, quelques maquis sont encore ouverts aux abords et de grosses affiches 4x3 lumineuses nous souhaitent encore une bonne et heureuse année 2019.
Mais le taxi qui nous conduit menace de rendre l’âme à chaque virage et ne semble pas pouvoir s’arrêter à tous les stops et feux rouges alors nous essayons de respirer le moins possible pour ne pas en rajouter. En arrivant devant notre hôtel dans une ruelle sombre, le gardien qui est posté à l’entrée porte une carabine en bandoulière et ne semble pas très bavard.
C’est à ce moment-là qu’on se dit qu’effectivement le pays est sans doute en alerte. Mais très rapidement le propriétaire vient nous accueillir et nous met à l’aise. L’hôtel LWILI est un petit hôtel d’à peine 1 an qui a été conçu avec soin par un propriétaire amoureux des artisans de son pays et qui a été photographe dans une autre vie.
Dès le lendemain, les fouilles se renforcent dans tous les lieux du festival, à commencer par le siège du Fespaco où nous devons récupérer nos accréditations. De longues files se forment devant l’entrée principale, avec des portiques anti-métaux et des policiers qui fouillent tout le monde. Même les poids lourds qui ravitaillent les nombreux stands sont soigneusement inspectés. Mais l’heure est à la fête et tout le monde se prête aux contrôles avec le sourire.
À l’intérieur, une foule de visages navigue dans les couloirs du siège du Fespaco dans une joyeuse cacophonie mais rien de comparable avec la veille aux dires de certains et nous ressortons de là assez rapidement avec nos badges autour du cou.
Un peu plus tard c’est encore une autre file pour pénétrer l’enceinte du stade où se déroule la cérémonie d’ouverture. Au moment où nous arrivons toutes les portes ont été fermées sans réelles explications. À l’intérieur, les discours officiels et les formules consacrées s’égrainent. Nous rentrons juste à temps pour attraper les derniers discours et assister aux rétrospectives en images concoctées par les organisateurs. Aucun mot par contre sur les réalisateurs en compétition officielle mais qui n’ont toujours pas reçu leur billet d’avion. Nous partons après les feux d’artifices qui ont émerveillé le public. Un peu comme une apothéose du discours du président.
Mais le meilleur moment de la journée a été sans conteste le seul film du jour au Ciné Burkina: MUNA MOTO de Jean-Pierre DIKONGUE PIPA, Etalon d’Or au Fespaco en 1976 et diffusé pour la première fois dans sa version restaurée 4K par le African Heritage Film Project de la Film Foundation de Martin Scorsese. Et tout ça en présence du réalisateur. Le film était tout simplement somptueux et nous embarquait avec lui dès les premières images et jusqu’à la fin dans cette histoire d’amour contrariée par le poids des traditions et des conventions dans le Cameroun des années 70.
Et puis les mots du réalisateur prononcés avec force qui résonnent encore en nous : Les Africains doivent se battre !
Bon Fespaco à tous !
W.F.